La chaîne d’hôtellerie économique se digitalise différemment selon les pays. En France, elle mise sur une organisation classique avec des équipes séparées de « build » et de « run ». Dans d’autres pays, une seule équipe supervise des services hébergés. Chaque organisation possède ses avantages et inconvénients, explique le DSI du groupe. Mais le cloud remporte de plus en plus d’adhésion.
Jean-Jacques Loehac Chief Information Officer du groupe B&B Hôtels
Comment organisez-vous vos services informatiques ?
Jean-Jacques Loehac : Notre organisation est un peu atypique. B&B Hôtels est présent dans sept pays d’Europe et chaque pays est autonome au niveau de son système d’information. Nous avons ainsi très peu d’applications informatiques transverses à l’ensemble du groupe. En 2014, nous avons cependant décidé d’unifier notre messagerie et nos outils de communication inter-entreprises en passant à Google Apps. Il était devenu trop coûteux et trop compliqué de maintenir une suite de messagerie différente pour chaque pays. Cette unification a simplifié les choses et a réduit nos coûts réseaux.
À part ce projet, chaque pays réalise sa transformation numérique à sa manière. C’est le cas par exemple des services de réservation en ligne, développés différemment dans chaque pays avec des partenaires locaux. Au final, la DSI du groupe, dont j’ai la charge, possède un rôle opérationnel relativement limité. Je suis en contact avec les DSI des différents pays pour les aider dans leurs développements. Mais il y a des projets différents d’un pays à l’autre. Côté effectifs, les équipes informatiques sont assez réduites, avec par exemple une quinzaine de personnes en France, une dizaine en Allemagne et un consultant en Italie.
D’un pays à l’autre, comment sont menés les projets de transformation numérique, notamment en ce qui concerne les systèmes de réservation ?
J-J L : Il y a deux approches. En dehors de la France, nous avons migré la majeure partie de nos systèmes d’information vers des services cloud totalement hébergés chez des partenaires. Le rôle de la DSI est donc principalement de gérer des demandes d’évolution des services et de veiller à ce que le contrat de niveau de service (SLA – Service-level agreement) soit respecté. Cette approche « cloud » libère beaucoup de temps pour les équipes informatiques, qui peuvent travailler sur d’autres projets. C’est une bonne formule pour les DSI de taille réduite.
En France, nous avons une approche plus classique. Nous avons construit un service de réservation centralisé à partir des systèmes existants, qui étaient spécifiques à chaque hôtel. Concrètement, nous avons ajouté une couche de communication entre les systèmes pour qu’ils fonctionnent ensemble. Ce travail a été réalisé selon le principe du « build » et du « run » avec deux équipes séparées.
Je comprends et j’apprécie les approches de type DevOps où les mêmes équipes réalisent l’ensemble d’un projet. Mais je vois aussi un intérêt à séparer les équipes de développement et de production. Chaque équipe peut ainsi valider les travaux de ses collaborateurs en toute neutralité, sans être juge et partie. Mais il faut bien entendu un minimum d’effectifs pour pouvoir s’organiser en deux équipes.
Selon vous, quelle approche permet le mieux de réconcilier les enjeux de la transformation numérique avec les contraintes quotidiennes de la production informatique ?
J-J L : Nous n’avons pas eu à déplorer d’oppositions fortes entre les équipes de « build » et de « run » en France. Elles ont réussi à travailler ensemble de manière très efficiente. Mais je sais que ce type d’approche peut parfois entraîner des difficultés lorsqu’il y a une mauvaise concertation entre les équipes ou si l’une prend le lead sur l’autre.
L’approche « cloud » génère aussi des difficultés, car il peut y avoir un sentiment de dépossession d’une partie de ses responsabilités par les équipes de production. Elles ne voient pas forcément d’un très bon oeil l’externalisation de la gestion et de la maintenance du SI chez un partenaire. Leur rôle évolue et devient essentiellement tourné vers la supervision. Il y a donc du pour et du contre dans les deux approches.
Je pense cependant que le « cloud », et plus largement l’informatique hébergée, représente l’avenir. Cela permet mécaniquement de réconcilier les enjeux de la transformation numérique avec les contraintes de la production informatique. Héberger des services chez un partenaire va également externaliser les principales contraintes techniques chez ce partenaire. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a plus rien à faire. Il y a toujours une supervision à assurer, centrée sur le management de prestataires. Mais il n’y a plus, a priori, de problèmes de stockage, de réseau, de mises à jour, etc. Cela libère du temps pour les équipes informatiques qui peuvent alors plus facilement travailler ensemble sur des projets complexes, dont ceux liés à la transformation numérique.